Jules Monchanin est allé jusqu'au bout de sa vocation sacerdotale. Depuis son enfance maladive, dans les paisibles collines du Beaujolais, jusqu'à son oblation suprême dans un ashram perdu du Sud de l'Inde, il n'a cessé de répondre à un impérieux appel de l'universel. Pour "dilater" l'Église aux dimensions de son temps, il renonce au confort d'une carrière universitaire à laquelle il était prédestiné pour se porter aux "frontières", celles de la théologie - encore meurtrie par la crise moderniste -, celles de la mystique - et de son versant esthétique, le surréalisme -, celles de tous les laissés-pour-compte de la société. Libre, anticonformiste, il reste fidèle à son engagement, toujours convié plus loin. À quarante-quatre ans, maître à penser des milieux d'avant-garde du catholicisme lyonnais d'entre les deux guerres, comblé d'amitiés, il quitte tout pour l'Inde afin d'y partager la quête d'absolu de ses sages. Déceptions, incompréhensions s'accumulent sans jamais arriver à remettre en cause son projet. En attendant sa réalisation sous la forme d'un petit ermitage contemplatif fondé grâce à l'arrivée du père Le Saux, Monchanin, dix ans durant, sert l'Eglise indienne, au dernier échelon. De nombreuses difficultés viennent alors entraver le développement de l'ashram du Saccidananda. Et lorsque meurt son fondateur, en 1957, l'échec semble sans recours. Pourtant, rarement une vie fut plus en accord avec le discours : onéreuse incarnation qui exprime mieux que bien des paroles les enjeux de l'inculturation de l'Église. Dans ce grand défi du troisième millénaire, Jules Monchanin fait figure de prophète.